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  L'UKRAINE EN QUESTION Bertrand Dutheil de la Rochère Conseiller régional d'Île-de-France (2015-2021)       La guerre d’Ukraine est le premier conflit majeur qui, au XXIe siècle, répond à la thèse développée par Samuel Huntington dans The Clash of Civilizations, paru en 1996, (Le Choc des civilisations, 1997). Les différentes guerres menées directement ou...

 

GUERRE OUVERTE EN UKRAINE :
COMMENT EN SOMMES-NOUS ARRIVES LA ?

Jean Neige
Expert international

 

 

Liminaire

 

Je suis un ancien observateur de l'OSCE en Ukraine et voici mon analyse.

J'entends ici ou là que Poutine est le nouvel Hitler, qu'il serait prêt à envahir une demi-douzaine de pays, voire le monde entier, qu'il serait fou, et qu'il ne servirait à rien de l'écouter. Face à l'invasion massive d'un pays européen par un autre, et pas des moindres, le choc émotionnel est tel que plusieurs de mes collègues, comme beaucoup de gens ailleurs, n'arrivent plus à analyser ni à comprendre comment on en est arrivé là. Toutes les discussions préalables sur les demandes de la Russie concernant des garanties que l'Ukraine ne rejoindrait pas l'OTAN sont passées à la trappe.

Pour ceux qui pensent que tout ce qui arrive est la faute de Poutine, et que si Poutine était assassiné, tout irait mieux, il faut lire "le choc des civilisations" de Samuel Huntington. Dans cet ouvrage publié en 1996, Huntington avait annoncé que si l'Ukraine cherchait à rejoindre l'UE et surtout l'OTAN, cela déclencherait une guerre civile avec intervention de la Russie, et à terme une partition de l'Ukraine. Quelle préscience ! A cette époque-là, personne ne connaissait Poutine.

Or, si on veut pouvoir résoudre un jour cette guerre en cours, il faut se rappeler que toute guerre a des objectifs politiques. Il ne faut pas oublier ce qui a initié cette guerre-là, qui n'est que la continuation d'une phase conflictuelle démarrée en 2014.

Poutine ne sort pas de nulle part. Il est le produit de 1000 ans d'histoire.

 

 

PARANOÏA RUSSE

 

Je vais commencer par vous raconter une anecdote pour vous expliquer d'où il parle.

En 1999, je travaillais pour la mission de l’OSCE en Bosnie-Herzégovine. Un de mes collègues, l’officier politique, était un diplomate russe de carrière approchant la cinquantaine, un produit des classes supérieures russes. Il se prénommait Mikhail. Il prétendait avoir négocié la paix avec les Tchétchènes en 1996. A l’époque, les avions de l’OTAN bombardaient la Serbie. Nous entendions la nuit le bourdonnement sourd des bombardiers qui passaient au-dessus de nos têtes, dans une ambiance de film de la Seconde guerre mondiale.
Jusqu’à alors, Mikhail était un homme affable et bien élevé qui s’était toujours montré jovial avec moi. Mais cela a changé le jour où nous avons abordé la question de l’opération des bombardements en cours dans le pays voisin. A l’époque, naïf que j’étais, je ne faisais que répéter les éléments de langage officiels de l’Occident. Mikhail était d’un point de vue opposé. A un moment donné, comme la discussion tournait en rond, il s’est mis à taper du poing sur la table en me disant que, de toute façon, nous, les Occidentaux, nous avions toujours voulu détruire la culture orthodoxe, depuis le schisme, en passant par les croisades, le double-sac de Constantinople, l’invasion de Napoléon, la double-invasion de l’Allemagne au XXème siècle, jusqu’à la Guerre Froide menée par les Américains. Je me souviens être resté scotché, comme on dit, par la colère soudaine de Mikhail, et par cette idée inédite qui me paraissait tellement absurde à l’époque que l’Occident souhaiterait détruire la culture orthodoxe. Cela dit, même si son discours me paraissait paranoïaque, je n’avais aucun doute sur la sincérité de mon interlocuteur. La paranoïa russe est réelle, et elle ne vient pas de nulle part. Elle est nourrie par 1000 ans d’histoire. Poutine vient de ce monde-là.
Il faut écouter le discours de Poutine du 24 février, pour l’entendre décrire toutes les opérations de l’OTAN ou des Etats-Unis de ces dernières années, bâties sur des mensonges : la Serbie, l’Irak, la Libye, la Syrie. Pour les Russes, l’OTAN est une organisation agressive, en qui on ne peut pas faire confiance. Force est de constater que nous avons donné aux Russes beaucoup d’arguments pour nourrir leur paranoïa. Contre la Serbie, ce fut le douteux massacre de Ratchak (considéré par beaucoup comme une manipulation) et l’ultimatum adressé à Milosevic qu’aucun pays au monde n’aurait pu accepter; contre l’Irak, ce furent les fameuses armes de destruction massive qui n’existaient pas ; contre la Libye, l’OTAN a utilisé une simple résolution interdisant l’utilisation du ciel aux troupes de Kadhafi pour anéantir son armée et détruire l’Etat libyen, semant le chaos jusqu’à aujourd’hui. Et en Syrie, nous alignant sur les objectifs des grands démocrates saoudiens, nous avons préféré soutenir des djihadistes plutôt que de voir l’Etat laïc en place subsister. Là, heureusement, l’intervention russe en 2015 a empêché la catastrophe.

 

DEPUIS 2014

 

Le narratif en Occident est que, en février 2014, le peuple Ukrainien s’est soulevé héroïquement contre Ianoukovitch, son président pro-russe d’alors, qui avait commis le crime de refuser un accord commercial avec l’UE. Les 18 et 19 février 2014, une centaine de manifestants sont tués à proximité de la place Maidan, officiellement par la police.



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