BAD-GODESBERG JUSQU'A LA LIE
Gilles Nohain
Directeur-adjoint de Défis Souverainistes
That the people have the power
To redeem the work of foolsPatti Smith, People have the power, 1988
Nous avons bu Bad-Godesberg jusqu’à la lie, la tête couronnée de douze étoiles qui sont autant d’épines sur notre front. Pendant que de riches Pilates rotent de contentement en se lavant les mains. Les peuples crucifiés n’ont pas de Ciel vers lequel lever la tête, ils ont été abandonnés.
En 1959 le parti socialiste allemand (le sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD), et à sa suite l’ensemble des socialismes européens, adoptait le « programme de Bad-Godesberg », il y reniait deux éléments essentiels de son identité et de son programme. D’abord, il ne s’y concevait plus comme un parti ouvrier. Bien sûr, on pouvait croire qu’il souhaitait ainsi « élargir sa base » en recrutant parmi les classes moyennes. En fait, il changeait de prolétariat en remplaçant les ouvriers qui commençaient à lui manquer par les populations issues de l’immigration. Si les « ouvriers n’ont pas de patrie », ce sont surtout nos patries qui n'avaient plus d’ouvriers. Les partis socialistes ont choisi de se tourner vers ceux qui n’avaient plus de patrie plutôt que vers ceux qui n’avaient plus d’usines. Le socialisme rompait avec la lutte des classes en lui préférant de cosmétiques « luttes sociales ». Ce faisant, il ne faisait pas qu’abandonner le prolétariat européen, il jouait le jeu du grand capital et s’y soumettait. Car la bourgeoisie crée toujours un monde à son image et fabrique ainsi son prolétariat. La bourgeoisie qui se lève à New-York, déjeune à Paris et s’endort à Tokyo a créé son prolétariat né à Dakar, à Delhi ou à Alger et qui meurent à Paris, à Berlin, ou à Londres. Ces travailleurs sans traditions politico-syndicales sont la proie facile du capital. Sans attaches, sans racines, ce prolétariat corvéable à merci ne s’intègre plus dans les pays d’accueil. En oubliant la lutte des classes, le socialisme quittait son horizon international, pour se noyer dans un mondialisme nomade et disparate.
Ensuite, il rejetait le marxisme-léninisme adoptant du même coup le libéralisme économique. On se limitait à modérer les excès du capitalisme libéral, on pactisait avec lui et on se risquait dès lors à « dévaler toute la pente » comme disait Jules Guesde. Et la gauche l’a dévalée cette pente, en se tapant durement la tête dans sa chute. Il n’est qu’à regarder la situation du parti dit socialiste pour constater l’étendue de sa déchéance : déchéance intellectuelle, déchéance morale, déchéance politique.